Précisions sur la constitution du nantissement de titres financiers
La constitution du nantissement de titres financiers résulte du seul établissement d’une « déclaration » signée par le constituant. La sûreté est valable et opposable aux tiers, peu important que le teneur de compte n’en ait pas reçu notification, que les titres n’aient pas été inscrits au crédit d’un compte spécial, et que le créancier n’ait pas sollicité la délivrance d’une attestation de nantissement.
Cass. com., 30 nov. 2022, no 20-23554, F–B
1. Malgré leur importance pratique considérable, les garanties sur instruments financiers connaissent une relative quiétude : l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 réformant les sûretés n’a pas consacré leur cession en garantie, comme elle l’a fait pour la monnaie et les créances, et n’a retouché qu’à la marge le régime de leur nantissement1. Celui-ci résulte de l’article L. 211-20 du Code monétaire et financier, dont la rédaction laisse à désirer et dont il revient par conséquent aux tribunaux de préciser le sens.
2. Concernant la formation de la sûreté ce texte exige, tout d’abord, une « déclaration de nantissement », sans dire si elle doit être notifiée au teneur de compte ; il prescrit, ensuite, l’inscription des titres au crédit d’un « compte spécial », sans indiquer la fonction exacte d’un tel jeu d’écriture ; il prévoit, enfin, la délivrance par[...]
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H. Synvet et M. Julienne, « Les sûretés sur actifs financiers », D. 2022, p. 290.
La caution eut tout de même gain de cause, car le créancier avait omis de réaliser sa sûreté à un moment où elle aurait pu couvrir le passif garanti (pts 13 et s.). Sur cet aspect de l’arrêt, v. C. Houin-Bressand, GPL 7 févr. 2022, n° GPL445i5 ; A. Reygrobellet, BJS févr. 2023, n° BJS201t5, nos 18 et s.
Cass. com., 20 juin 2018, n° 17-12559 : GPL 23 oct. 2018, n° GPL333q5, note M. Roussille ; RD bancaire et fin. 2018, n° 121, obs. D. Legeais.
A. Reygrobellet, note ss Cass. com., 20 nov. 2022, n° 20-23554, BJS févr. 2023, n° BJS201t5, n° 11.
M. Roussille, obs. ss Cass. com., 20 juin 2018, n° 17-12559, GPL 23 oct. 2018, n° GPL333q5.
La déclaration implique toujours une « révélation », une affirmation « adressée » à autrui ou « faite devant » quelqu’un (G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 11e éd., 2016, PUF, v° Déclaration).
V. not. D. Legeais, « Gage de compte d’instruments financiers », RD bancaire et fin. 1997, n° 64, p. 225, n° 19 : « La déclaration (…) appartient à la catégorie des actes réceptices. Par hypothèse, une déclaration doit être adressée à un destinataire ». Adde les références citées par M. Julienne, « La constitution du nantissement de titres financiers », RDC mars 2019, n° RDC115v8, n° 7.
HCJP, Rapport sur le nantissement de titres financiers dans l’Union européenne, F. Martucci (dir.), oct. 2021, p. 17 : BJB mars 2022, n° BJB200q1, note H. de Vauplane.
Rappr. D. Legeais, obs. ss Cass. com., 30 nov. 2022, n° 21-11671, RD bancaire et fin. 2023, n° 1, comm. 10 : « La notification est obligatoire lorsque plusieurs nantissements sont consentis sur un même compte. »
N’ayant pas la « possession » ou le « contrôle » des titres, le créancier ne pourra pas de se prévaloir, le cas échéant, du régime des garanties financières (C. mon. fin., art. L. 211-38). La faculté de notifier la sûreté suffit à assurer le « contrôle » du bénéficiaire dans les sûretés sur créances, mais la règle n’a pas d’équivalent en matière d’instruments financiers (sur ce texte, v. M. Julienne, Études Joly Bourse, Garanties financières, n° B_ED020, 2023, à paraître).
D. Robine, note ss Cass. com., 23 janv. 2019, n° 16-20582, BJB mai 2019, n° BJB118f4, n° 10 : « On peut en effet se demander si un teneur de compte pourrait engager sa responsabilité pour ne pas avoir respecté les droits conférés à un créancier par la sûreté alors même que la déclaration ne lui aurait pas été envoyée. La réponse est bien entendu négative. »
HCJP, Avis en réponse à la consultation du ministère de la Justice sur l’avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés, F. Martucci (dir.), juill. 2021, p. 3 : « Le nantissement est rendu opposable au teneur de compte et à la personne morale émettrice par la notification qui leur est faite, par tout moyen, d’une copie de la déclaration de nantissement ».
Rappr. Cass. com., 27 sept. 2016, n° 14-18282 : GPL 29 nov. 2016, n° GPL280j1, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD civ. 2016, p. 904, obs. P. Crocq : « La notification de la cession d’une créance professionnelle est, pour l’établissement de crédit cessionnaire, une faculté et non une obligation, même lorsque le crédit (…) est garanti par un cautionnement ».
Cass. com., 7 mars 1995, n° 92-15973 : BJS juill. 1995, n° 233, p. 674, note P. Le Cannu ; JCP E 1995, II 695, note H. Hovasse. V. également Cass. com., 10 mai 2006, n° 04-17084.
P. Simler et P. Delebecque, Les sûretés, 7e éd., 2016, Dalloz, n° 631 : l’inscription au compte spécial ne présente « aucun caractère substantiel » ; v. également A. Couret, H. Le Nabasque et a., Droit financier, 3e éd., 2019, Dalloz, n° 1446.
L’ouverture d’un compte spécial peut sembler superflue lorsque tous les titres inscrits sont nantis (P. Théry et C. Gijsbers, Droit des sûretés, 1re éd., 2022, LGDJ, n° 310, EAN : 9782275095004), ce qui était peut-être le cas en l’espèce, sans cependant que cette circonstance soit relevée dans l’arrêt.
Sauf à admettre la faculté de « post-dater » la déclaration, afin de repousser ses effets dans le temps (rappr., à propos de la date du bordereau Dailly, v. M. Julienne, Régime général des obligations, 4e éd., 2022, LGDJ, n° 243, EAN : 9782275109718).
Cass. com., 25 févr. 2003, n° 00-22117 : Bull. civ. IV, n° 27 ; RTD com. 2003, p. 555, obs. M. Cabrillac : « À défaut de production de bordereaux de cession de créance (…) la société [cessionnaire] ne pouvait demander paiement au débiteur cédé ».
Cass. com., 23 janv. 2019, n° 16-20582 : BJB mai 2019, n° BJB118f4, note D. Robine : « En l’absence de déclaration datée et signée du constituant, titulaire du compte, et comportant les mentions prescrites par l’article D. 431-1, le gage de compte d’instruments financiers dont se prévaut le bénéficiaire n’est pas réalisé et ne peut donc être opposé à l’établissement bancaire [teneur de compte].»
Cass. com., 11 oct. 2017, n° 15-18372, PB : JCP G 2017, 1381, note N. Borga ; RDC mars 2018, n° RDC114w2, note R. Libchaber ; RDC mars 2018, n° RDC114x0, note M. Julienne.
J. Flour, « Quelques remarques sur l’évolution du formalisme », Le droit privé français au milieu du vingtième siècle. Études offertes à Georges Ripert, t. 1, 1950, LGDJ, p. 93, n° 5, p. 97.
D. R. Martin, « De la cession de créance professionnelle », Banque & droit 2019, n° 185, p. 4 : « Le dispositif conçu pour le cas de perte d’une lettre de change ou d’un chèque n’a pas d’équivalent en cas de perte d’un bordereau. (…). Conclusion : la cession spéciale ne survit pas au bordereau ; elle disparaît avec lui. »
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